Le projet COVI de Mila s’est retrouvé au cœur d’un débat public sur l’utilisation d’une application pour lutter contre la COVID-19. Si le projet a été accueilli avec enthousiasme et espoir par plusieurs, il a également soulevé de nombreux enjeux, notamment quant à l’efficacité de ce type de technologie et à la gouvernance requise afin de protéger la santé, la dignité et la vie privée des citoyens.
Après avoir été considérée par le gouvernement du Canada, l’approche proposée par Mila n’a pas été retenue. Nous respectons entièrement cette décision, et nous saluons la volonté de nos gouvernements d’explorer différentes solutions technologiques à titre de compléments aux méthodes traditionnelles de gestion de la pandémie.
En mobilisant chercheurs et experts à la mise au point d’une solution unique au monde, nous avons de facto défriché de nouveaux territoires, exploré de nouvelles façons de faire et repoussé la frontière des possibilités. Sur le plan technologique, nous avons créé un outil de prédiction du risque qui peut à la fois aider chaque citoyen à prendre des décisions au quotidien pour protéger sa santé et celle des autres, permettre aux autorités de santé publique d’intervenir de façon ciblée pour prévenir de nouvelles éclosions et fournir aux chercheurs en épidémiologie des précisions quant à la propagation du virus et à l’incidence des différents scénarios de déconfinement.
Par ailleurs, en réfléchissant à la mise en œuvre d’un projet de cette ampleur à l’échelle du pays, nous avons soulevé des questions fondamentales et d’importants enjeux sociaux. Nous avons, de façon proactive, alimenté la réflexion sur le besoin d’une approche socialement responsable et inclusive, et ce, tant dans des forums privés que sur la place publique. Nous avons entamé un dialogue visant à vulgariser la science, à expliquer les faits, à préciser les enjeux et à informer les points de vue – avec une emphase particulière sur la protection de la vie privée et des droits humains. Nous avons participé à une riche discussion où citoyens et experts ont pu exprimer des préoccupations légitimes et éclairer le processus décisionnel de nos gouvernements.
Finalement, ces échanges ont favorisé une culture d’innovation, de science et d’interdisciplinarité. Ils ont véhiculé une vision de notre société selon laquelle la démocratie est participative, et non une simple transposition de schémas paternalistes.
Nous avons tous beaucoup appris au cours des dernières semaines. Chacune des personnes qui ont contribué au projet COVI – elles étaient plus de 50 – en ressort inspirée et reconnaissante. Forte de cette énergie nouvelle, l’équipe de Mila poursuivra ses travaux dans l’optique de mettre toutes les possibilités de l’intelligence artificielle au service de notre mieux-être collectif.
Nous voulons conclure par cette réflexion de Václav Havel, défenseur des droits de la personne et ancien président de la République tchèque, qui reflète bien l’état d’âme qui nous anime :
« L’espoir n’est pas la joie que l’on ressent quand les choses se passent bien, ni la volonté d’investir dans des entreprises qui, de toute évidence, vont être couronnées de succès, mais plutôt la capacité de travailler à quelque chose parce que c’est la bonne chose à faire. L’espoir, ce n’est pas l’optimisme. Ce n’est pas non plus la conviction qu’une chose va bien se passer, mais au contraire la certitude que cette chose a un sens, quelle que soit la façon dont elle va se passer. »
Yoshua Bengio, fondateur et directeur scientifique de Mila, professeur à l’Université de Montréal
Valérie Pisano, présidente et chef de la direction de Mila