J’écris souvent des commentaires ou des messages dans les médias sociaux, mais, généralement, on ne peut les voir que pendant un temps limité. J’ai donc pensé que j’avais besoin d’un endroit où consigner certaines de mes pensées afin qu’elles soient accessibles en tout temps et plus faciles à trouver.
Ma plus grande passion, c’est de comprendre l’intelligence sous toutes ses formes, aussi bien l’intelligence artificielle, que nous sommes en train de développer, que l’intelligence naturelle. Je crois qu’il existe des principes généraux qui expliquent le fonctionnement de notre intelligence et qui nous permettront de construire, un jour, des machines au moins aussi intelligentes que nous. Si les humains ne s’autodétruisent pas avant…
Qu’est-ce que je veux dire par là ? Je crois que les fondements de notre société sont fragiles et, plus important encore, que nous concevons et utilisons des outils sans avoir la sagesse de les déployer en tenant compte de toutes les conséquences de nos actions. Nos structures politiques, sociales et économiques actuelles mettent en danger l’équilibre naturel de cette planète sur laquelle nous comptons pour continuer à prospérer en tant qu’espèce. C’est ce que j’entends par autodestruction.
C’est pourquoi j’ai décidé de consacrer une partie de mon énergie à réfléchir à la crise climatique. Je parlerai plus tard des efforts de recherche particuliers qui s’appuient sur les progrès de l’apprentissage automatique pour lutter contre le changement climatique. Pour le moment, je veux souligner notre responsabilité individuelle et collective dans la production de gaz à effet de serre lorsque nous organisons des conférences et ateliers partout sur la planète.
Il est intéressant et important de tenir ces rencontres qui rassemblent des penseurs du monde entier. Elles nous permettent d’échanger, de réfléchir ensemble, de renforcer nos connaissances et de nous enrichir mutuellement. Mais l’empreinte carbone de tous les voyages en avion associés à ces rencontres est de loin la plus grande source de gaz à effet de serre de l’activité scientifique. C’est pourquoi quelques membres de la communauté de l’apprentissage automatique ont élaboré une pétition dont vous trouverez le lien ci-dessous. Ils nous demandent de changer la façon dont nous organisons les conférences afin de réduire au minimum les voyages en avion et de diminuer notre empreinte carbone. Je vous invite à partager ce lien avec vos collègues !
En plus de permettre des présentations à distance dans les rencontres et conférences académiques, je crois que nous devrions repenser ces évènements avec l’objectif d’éliminer l’empreinte carbone qui en résulte actuellement. À court terme, et tant qu’on ne ramène pas les émissions à zéro, les organisateurs de conférences devraient probablement acheter des droits de polluer (par exemple sur les bourses du carbone du Québec ou de la Californie). Mais nous devrions aussi essayer de nouveaux modèles de conférences qui réduisent grandement le nombre et la longueur des voyages en avion. À un extrême, on peut envisager des rencontres complètement virtuelles, et donc chacun peut rester chez soi, mais il va falloir des progrès importants avec les outils de communication et de réalité virtuelle pour préserver l’aspect social des conférences. Un autre modèle garde la notion de lieu de rencontre en décentralisant les conférences. Au lieu d’un lieu unique sur la planète où toute une communauté se rencontre pendant quelques jours, on peut imaginer des lieux de rencontres un peu partout sur la planète, au moins un par continent, pour que presque tous puissent s’y rendre sans prendre l’avion. Ces meetings pourraient quand même être connectés les uns aux autres électroniquement mais une forme importante de socialisation en personne serait ainsi préservée. Pour obtenir un haut niveau de qualité à travers tous les sites, il y aurait quand même un seul et unique processus pour l’évaluation et la sélection des articles, et on pourrait demander à la petite fraction des chercheurs faisant des présentations orales (celles les mieux côtées dans l’évaluation) de le faire à un endroit désigné (et donc de voyager en avion), choisi de façon à garder un brassage international des idées, du point de vue des participants écoutant les conférences. Certaines de ces conférences pourraient aussi être retransmises électroniquement, avec des outils électroniques pour les questions et réponses. Pour les sessions de posters, plusieurs modèles alternatifs sont possibles, mais une solution simple techniquement serait basée d’une part sur des courts vidéos présentant chaque article (donc accessibles de n’importe où), de même qu’une ou plusieurs sessions de question-réponse en ligne, avec un outil de clavardage collectif où les auteurs seraient tenus de répondre en temps réel (ce qui d’ailleurs aurait l’avantage de laisser des traces écrites et donc utiles à un plus grand nombre). Il y aurait bien sûr des enjeux de fuseaux horaires à gérer.
Ce ne sont que des points de départ, regardez aussi cet article, et je suis sûr que d’autres idées nous viendront, donc il nous faudra expérimenter dans les prochaines années. Dans ce domaine comme dans d’autres, on ne peut plus se contenter de faire comme d’habitude, c’est jouer avec le feu (ce qui va contre notre instinct, malheureusement). De nombreuses personnes commencent à comprendre cela et se sont engagés à voyager moins ou plus du tout en avion, voir cet article. Cela va forcer la main des organisateurs de conférences et nous amener à redéfinir ces évènements. Il y a ainsi des choses qu’on peut faire individuellement comme participant, en écrivant aux organisateurs de conférences, mais aussi à travers nos responsabilités dans l’organisation d’évènements. Retroussons-nous les manches pour nous sauver nous-mêmes!
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